Lecture 2019-23 : « Le Syndrome du pire » de Christoffer Carlsson

De temps en temps, je ressors de ma PAL des romans qui y traînent depuis des années. Il s’agit en général soit d’achats compulsifs et rapidement perdus au cœur des centaines de livres qu’on trouve chez moi soit d’essais ratés. C’était le cas pour ce roman que j’avais tenté de lire il y a plus de 3 ans et qui squattait ma table de chevet depuis cet échec. Histoire de me dire que cela n’avait été que partie remise, j’ai décidé en ce long week-end de l’Ascension de le reprendre. Avantage : ce fut une lecture des plus courtes (1 journée), Inconvénient : j’ai eu la confirmation que ce n’était pas pour moi, bien que ce roman ait été élu, l’année de sa sortie, roman policier de l’année en Suède.

Un polar qui a séduit la Suède… (4e de couverture)

Stockholm, fin de l’été 2013. Une jeune droguée, Rebecca Salomonsson, est abattue dans un foyer pour femmes. Trois étages plus haut, dans son appartement, Leo Junker est réveillé par les lumières des voitures de police. Flic, il travaille aux affaires internes, la division la plus mal vue, celle des « rats » qui enquêtent sur leurs collègues. Suspendu depuis « L’affaire Gotland », au cours de laquelle il a commis une erreur qui a coûté la vie à un policier, rongé par la culpabilité, Leo s’étiole dans son nouveau job. Alcool, errances nocturnes, sa vie ressemble à un lent naufrage. Mais, dans le meurtre Salomonsson, un indice le frappe particulièrement, qui fait ressurgir à sa mémoire des personnages troubles de son adolescence : Julia et John Grimberg. De plus, des messages énigmatiques arrivent sur son portable. Et pourquoi a-t-il le sentiment diffus d’être suivi ? Quand la réalité se délite, à quoi peut-on s’attendre, sinon au pire ?

… mais pas moi

Plus qu’un roman policier (on devine assez rapidement qui est l’auteur de ces SMS énigmatiques), on parlerait plutôt ici de roman noir. On est, en effet, très très loin de l’image d’Épinal d’une Suède chaleureuse, ouverte et qui fait rêver pas mal d’Européens, tant on la montre en exemple du point de vue économique. Et pourtant, c’est bien la Suède cachée que Christoffer Carlsson met en scène ici, son milieu populaire qui n’a absolument rien à envier aux quartiers populaires de France et de Navarre. Harcèlement, violence, alcoolisme, dépression… tout est réuni pour un roman noir de qualité. Mais voilà ! Cela ne l’a pas fait pour moi.

Alors oui, le choix de replonger le personnage de Leo Junker dans un passé qu’il avait sagement cherché à oublier, au vu du meurtre qui vient de se produire dans son immeuble s’avérait être une bonne idée. Remonter petit à petit vers le motif de ce meurtre en retraçant son histoire d’amitié avec Grim et d’amour avec Julia, là encore c’était une bonne idée mais le problème c’est que l’on comprend bien trop vite ce qui a bien pu se passer et les raisons du meurtre de Rebecca Salomonsson, raisons qui par ailleurs nous semblent frôler l’absurde. Cela sent un peu trop l’histoire éventée, on s’attendrait à quelque chose d’un peu plus vicieux, d’un peu plus perturbant. Ici, tout se limite à un face à face sur fond de mensonges et de rancœur adolescente.

Le seul point positif (mais n’était-ce finalement pas l’argument principal voulu par l’auteur au détriment de l’intrigue ?), c’est l’analyse que Christoffer Carlsson fait des conséquences de cette misère, de cette mise au ban de la société qui poussent l’individu à l’extrême. Plus qu’une quête de vengeance, c’est une course pour le droit au bonheur, à la vie de tout le monde voire à l’oubli, une véritable fuite vers la tranquillité. Le harcèlement et son impact tant sur la victime que sur le bourreau y sont ici parfaitement bien illustrés. On dénote le mécanisme du cercle vicieux : une fois harcelé, la seule solution reste de harceler quelqu’un d’autre pour avoir l’impression de retrouver la dignité dont on a été privé. Mais là encore, il y a les faibles et il y a les forts. Leo est un faible et un lâche qui choisit la solution de facilité pour s’en sortir et, en faisant cela, il provoque sa propre perte et celle de ceux qui lui sont proches et qui n’avaient rien demandé. C’est en cela qu’il ne peut vivre qu’une vie de loser. Grim et Tim, eux, bien que victimes, refusent de devenir des bourreaux et s’enferment à cause de cela dans une spirale infernale dont ils ne parviendront jamais à sortir. Victime tu es, victime tu resteras quoi que tu fasses.

On sort de ce roman avec un goût amer dans la bouche, cette impression de se dire que dans notre société actuelle, les gentils n’ont plus leur place. Il faut être un salaud pour espérer survivre et pire encore, l’opportunité d’une rédemption n’est offerte qu’à ceux qui, à un moment, ont renoncé à se battre et ont accepté l’inacceptable. Ainsi va la vie même si cette vie-là me déplaît de plus en plus. Je crois que c’est surtout cela qui m’a révulsé dans ce roman, ce profond sentiment d’injustice.

Christoffer Carlsson, Le syndrome du pire, Editions Ombres Noires, 2015

 

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