Lecture 2018-31 : « Orage petit seigneur des ténèbres » de Julien Hervieux

Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas plongé dans un roman jeunesse car mes différentes expériences ont souvent été décevantes dans le domaine. Cependant, en visionnant une vidéo de Pikiti bouquine sur Youtube, mon attention a été attirée par ce roman de Julien Hervieux. Je me suis alors dit que ce serait peut-être une bonne idée de me relancer à nouveau dans ce genre littéraire.

Une histoire de bien et de mal pas si bébête

Orage est le fils du comte de Sombreflamme, un seigneur des ténèbres. Mais voilà, Orage, il n’aime pas l’éducation que cherchent à lui imposer sa famille et son précepteur, le gobelin Luzerne. En gros, son destin est tout tracé : il sera un méchant qui se soumettra au gentil chevalier qu’il sera un jour amené à combattre. Et en cela, Orage, il n’est pas d’accord mais alors pas du tout car il refuse d’être un perdant. Un peu désespéré par cette situation, ce sont les zombies errant dans les couloirs du château qui vont lui donner la solution à son problème : eux, quand ils n’ont pas envie de faire quelque chose, eh bien, ils se dépêchent de le faire pour ensuite se consacrer à ce qui leur plaît. Ni une ni deux, Orage prend sa décision : il va enlever la princesse Regalia tout de suite et il sera alors débarrassé. Mais en agissant ainsi, c’est tout un système qu’il va remettre en question et il va falloir se montrer convaincant. Heureusement, au cours de ses aventures, il va se trouver des alliés…

Un joli conte appelant à la réflexion

Je suis sorti enthousiasmé de cette lecture que j’ai absolument adorée pour plusieurs raisons :

  • Ce roman a un avantage énorme par rapport à beaucoup de romans jeunesse : il est remarquablement écrit. Alors que certains éditeurs décident de remplacer le passé simple au profit du présent ou le « nous » au profit du « on », il est appréciable de constater ici que Julien Hervieux ne fait pas ce genre de choix. Le vocabulaire est riche et de qualité, preuve que l’on peut aussi jouer avec notre chère langue française sans recourir à un quelconque rabais sous prétexte qu’il faut se mettre au niveau de son lecteur. La lecture se mérite. Arrêtons de prendre les adolescents pour des attardés incapables de comprendre des mots de plus de deux syllabes. Redonnons-leur le goût de l’effort d’autant qu’une récompense comme ce roman, ça n’a pas de prix.
  • L’auteur joue avec les archétypes de contes traditionnels en les remettant en question constamment. Le roi est un opportuniste tandis que Lauriers, le chevalier, est égocentrique, pleutre et misogyne. Regalia, la princesse, est une féministe acharnée qui revendique une bonne éducation de la part des hommes et le respect de la femme en tant que personne. Le terrible comte de Sombreflamme s’efface dès que son épouse hausse un peu le ton. Orage, enfin, futur seigneur des ténèbres, se révèle obstiné et héroïque dans son désir de faire changer les mentalités.
  • On découvre également de nombreuses thématiques, sources de réflexion : la question quasi philosophique du Bien et du Mal (Qui a décidé de ces valeurs opposées ? Le Bien est-il plus respectable que le Mal ?), la tolérance et le respect (Chacun n’aurait-il pas le droit de vivre comme il l’entend ?)… J’ai trouvé ce roman plein d’espoir, d’humanité et d’intelligence et j’aurais tendance à penser qu’il devrait être obligatoire dans toutes les écoles et tous les collèges, compte tenu de l’état actuel du monde et de notre société dans ces différents domaines.
  • Enfin, on ne peut pas le nier : certaines situations sont absolument hilarantes. Je n’en citerai que quelques-unes : les bouderies d’Orage, les effets de sa baguette de mal au ventre sur Brasier, son dragon, et Lauriers… A cela s’ajoutent les illustrations très rigolotes de Carine-M que je ne connaissais pas mais dont vous pouvez admirer le travail ici.

Mes chouchous

Ils sont légions dans l’ensemble du roman : Orage, Lauriers, Regalia, Brasier, Luzerne… Mais si je devais choisir, ce serait Gérarrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrd, le monstre-sous-le-lit qui est sans aucun doute le pire cauchemar de Lauriers.

Juste un petit bémol

Ce n’est pas grand chose mais c’est mon côté maniaque (voir un de mes tocs) qui se manifeste ici : mon exemplaire présentait des pages de formats différents voire certaines pages étaient encore liées les une aux autres donc opération découpage au couteau… Peut-être une petite vérification qualité à effectuer avant diffusion ne serait pas du luxe.

Au final, une lecture que je recommande à tout le monde, petits et grands, car, outre son intérêt littéraire voire philosophique, c’est extrêmement drôle et réjouissant.

Julien Hervieux, Orage petit seigneur des ténèbres, Eds Poulpe fictions, 2018.