Lecture 2020-12 : « Noir canicule » de Christian Chavassieux

J’ai pu bénéficier en avant-première de la réception du nouveau roman de Christian Chavassieux dans le cadre d’une masse critique privilégiée Babelio et Editions Phébus. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, c’était donc une totale découverte pour moi et sans aucun doute une plongée dans l’inconnu. Mais parfois, il est nécessaire de le faire pour éviter de se confiner dans ses auteurs de prédilection. J’ai donc accepté de faire le grand saut…

Une journée en Enfer

Nous sommes en 2003. Lily est taxi. Elle accompagne un couple de vieux agriculteurs sur la route de Cannes, en pleine fournaise. Et si la canicule se prolongeait indéfiniment ?

Sur l’autoroute, les bolides klaxonnent de loin, fusillent le rétroviseur d’appels de phare et passent en trombe.

À mesure que la température monte, les personnages se dévoilent, entre amour et violence. Lily songe à sa plus grande fille, Jessica, que l’adolescence expose aux premières déconvenues sentimentales. À son ex-mari, qui l’a quittée pour une femme plus jeune. À leurs anciens jeux érotiques…

Il y a quelque chose de pourri dans l’atmosphère. La vie semble se résumer à une peur de souffrir.

Et le lecteur est loin d’imaginer ce qui l’attend…

Un monde fou qui pousse à l’introspection… à nos risques et périls

Ce que nous propose Christian Chavassieux dans ce roman, c’est un tête à tête avec la mort ou plutôt, des têtes à têtes avec la mort. D’autant plus intenses que le contexte (la canicule de 2003) renforce l’impression d’étouffement qui traverse l’ensemble du roman. Tout est fait d’ailleurs pour donner cette sensation constante de huis-clos qui enferme les personnages dans leurs propres pensées. Lily, Henri et Marie se retrouvent « cloîtrés » tout le roman dans un taxi et quand ils en sortent, c’est pour se retrouver dans une station-service bondée ou sous un soleil de plomb avec la quasi-impossibilité de trouver un peu d’ombre. L’ex de Lily, Nicolas, semble lui scotché à son téléphone dans l’attente d’un appel qui n’arrive pas ; quant à leurs filles, l’une ne quitte pas la maison et l’autre la quitte pour se retrouver sous l’emprise oppressante d’un garçon obnubilé par sa fin de vie qu’il a déjà commencé à scénariser. Enfin, Bernard, le plus jeune des fils d’Henri et Marie, vit, dans la ferme familiale, une existence devenue au fil des années un véritable chemin de croix de plus en plus lourd à supporter. Tout est alors fin prêt pour amener tous ces personnages à une prise de conscience personnelle. Mais pour cela, comme dit plus haut, il va falloir se confronter avec la mort.

En effet, chacun d’entre eux arrive à un moment de sa vie où cette confrontation semble inévitable. Même si les causes de cette situation sont différentes pour chacun (maladie ; déception, solitude, jeux dangereux et idéalisme amoureux), tous semblent en sursis. Vont-ils parvenir à survivre à cette journée ? C’est là la grande question car, au fil des heures, tous réalisent combien leurs vies ne dépendent finalement plus d’eux et qu’ils vont devoir faire avec leurs illusions, leurs espoirs, leurs déceptions,  leurs souvenirs douloureux voire leur culpabilité. S’ils veulent s’en sortir, ils n’ont que deux choix possibles : accepter de vivre finalement avec un mal-être constant ou y succomber définitivement. Ce roman est une question de vie ou de mort, une question de renonciation ou d’acceptation fatale. Mais n’est-ce pas là un peu l’image de notre société actuelle où le malaise règne de plus en plus, où la quête du bonheur doit à un moment ou l’autre faire avec les obstacles inhérents à toute existence ? Ou le pressentiment d’une fin de monde qui, si l’humanité n’accepte pas de faire avec, vous détruit inexorablement ? Je ne cache pas que la lecture de ce roman en pleine pandémie de Coronavirus conduit le lecteur à s’interroger sur les priorités de son existence, sur les renoncements qu’il est préférable de faire pour espérer vivre un peu sereinement dans un monde qui devient complètement fou, à l’image de cette canicule contre laquelle on ne semble plus pouvoir faire grand-chose. Une chose est certaine ! On a tous un peu de Lily, Henri, Marie, Bernard en nous, à nous donc de décider maintenant de prendre en main notre destin et de faire avec ce que la vie nous offre… si cela est encore possible ou de renoncer tout simplement !

Au final, un roman noir qui bouscule un peu le lecteur dans ses certitudes et qui l’amène sans doute à repenser sa vie face à un monde qui lui échappe de plus en plus.

Christian Chavassieux, Noir Canicule, Editions Phébus, 2020

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