Lecture 2019-26 : « Fantazmë » de Niko Tackian

Un an après Toxique, me voilà à nouveau plongé dans un roman de Niko Tackian dans le cadre de la sélection du Prix des Lecteurs du Livre de poche – Polar/Thriller. L’occasion de retrouver le sexy commandant Tomar Khan pour la suite de ses aventures.

Mutilations en séries en plein cœur de Paris (4ème de couverture)

Janvier 2017, Paris, XVIIIe arrondissement. Le corps d’un homme atrocement mutilé est retrouvé dans une cave. Le commandant Tomar Khan pense d’abord à un règlement de comptes. Le genre d’affaire qui reste en suspens pendant des années, se dit-il. Mais voilà, l’ADN relevé sur les lieux a déjà été découvert sur le corps d’un dealer, battu à mort dans une cave lui aussi. Et bientôt une rumeur court dans les quartiers chauds de Paris, celle d’un tueur insaisissable, un Fantazmë, un « spectre » en albanais, qui s’en prend à la pègre.

Un polar d’actualité noir de chez noir

Oui, j’avoue, Monsieur le juge, j’ai un faible pour le colossal Tomar Khan (un peu plus que pour le séduisant Victor Coste de Norek, même si c’est un peu kif kif bourricot entre les deux dans mon petit cœur, et beaucoup plus que le batracien capitaine Mehrlicht de Nicolas Lebel, dont le degré de sexitude provoque chez moi un enthousiasme aussi plat que l’électrocardiogramme d’un moribond). Oui, je sais, c’est un peu primal de comparer des personnages de fiction pour le pouvoir érotique qu’ils dégagent mais disons que cela rajoute un peu de piment à l’affaire en cours (même si je reconnais quand même le talent littéraire des trois auteurs préalablement cités). Bon passons quand même à une appréciation moins sensuelle de la chose.

Niko Tackian, à la différence de Toxique, nous offre ici un polar beaucoup plus noir et plus ancré dans l’actualité. En effet, derrière cette série de cadavres mutilés qui envahissent les caves parisiennes, se cache en fait le drame des migrants et des réseaux de passeurs. Mais pour une fois, ce sont les « petites mains » des milieux mafieux albanais qui en subissent les conséquences. Qui est ce « Fantazmë » qui ose s’attaquer aux gros bonnets du milieu ? Quelles sont ses motivations ? La réussite de Tackian, c’est de nous dévoiler, dès le milieu du roman, l’identité du coupable (Mais en est-il vraiment un dans la mesure où il semble vouloir rétablir une certaine justice ? Là est aussi la question !) et réussir malgré cela à conserver un suspens haletant jusqu’à la dernière page puisque celui-ci agit comme une anguille, échappant non seulement à la mafia mais également à la bande du 36 menée, tambour battant, par Tomar Khan. La seconde partie du roman se transforme alors en une course contre la montre pour retrouver cet inconnu, course dont on ignore encore l’issue : échappera-t-il à un destin funèbre ou pas ? Il vous faudra attendre les dernières pages pour le découvrir.

Noir est effectivement le bon « terme » pour définir ce polar car il faut avoir tout de même le cœur bien accroché pour lire certaines scènes ou descriptions de cadavres. Le pire c’est qu’on finit par se dire que de telles scènes ne doivent hélas pas être si peu fréquentes que cela et, au vu de toutes les affaires criminelles dont on nous abreuve dans les médias, il faut reconnaître que Niko Tackian, en bon scénariste qu’il est, ne fait que retranscrire avec fidélité sur le papier la triste mais banale violence de notre société actuelle. En sortant de ce roman, on voit le monde des migrants sous une autre facette. On aurait presque tendance à dire que le regard des autochtones parisiens se révèle être, pour certains d’entre eux, le cadet de leurs soucis dans la mesure où l’horreur du voyage qu’ils ont dû subir pour trouver ce qu’ils croyaient être la liberté ne prend jamais fin voire même s’accroît avec ce qu’on leur offre comme « nouvelle vie ».

Pour terminer, je ne peux pas ne pas consacrer un petit passage à Tomar (oui ! je l’appelle par son prénom, on est intime maintenant !) et à cette fragilité qu’il cherche tant bien que mal à dissimuler derrière sa carrure de Titan. On s’apitoie sur lui (on a envie de lui faire des câlins, oui, je sais pfffffffff), sur ses problèmes de santé et ses difficultés à faire la paix avec son passé et à vivre tout simplement sa relation avec la belle Rhonda. Et ce n’est pas la seconde intrigue du roman qui va lui faciliter les choses. Pour ceux qui ont lu Toxique, je me contenterais de dire que l’affaire du couteau n’est pas réglée et qu’elle va rapidement faire sa réapparition façon boomerang avec un personnage guère sympathique.

Mes chouchous à moi

On ne reviendra pas sur Tomar car il est hors-catégorie (ok, je saoule !). J’adore toujours autant sa mère Ara, dont le passé de combattante dicte tous ses faits et gestes. Les années ne sont rien pour elle et les valeurs qu’elle défend. D’ailleurs, je vous déconseille d’aller faire le marché en même temps qu’elle car, malgré son âge avancé, vous pourriez vous en mordre les doigts. J’ai également un petit faible pour le personnage d’Eric, le sans-abri au grand cœur qui vous fera sans aucun doute sortir les Kleenex.

Un polar efficace dont je vous recommande la lecture et que j’ai pour ma part préféré à Toxique pour sa noirceur et ses personnages tantôt sombres tantôt attachants.

Niko Tackian, Fantazmë, Editions Calmann-Lévy, 2018 (Le Livre de poche, 2019)

 

Après 9 lectures, voici mon classement pour le Prix de Lecteurs du Livre de poche – Polar 2019 :

1 – Horrora Borealis de Nicolas Feuz

2 – Les Chiens de Détroit de Jérôme Loubry

3 – Dans les angles morts d’Elizabeth Brundage

4 – L’Assassin du train de Jessica Fellowes

5 – Fantazmë de Niko Tackian

6 – L’Heure des fous de Nicolas Lebel

7 – Le Saut de l’ange de Lisa Gardner

8 – Sauvez-moi de Jacques Expert

9 – L’été circulaire de Marion Brunet