Lecture 2018-42 : « La Descente » de Tim Johnston

Je poursuis ma lecture de la sélection des romans pour le Prix des Lecteurs du Livre de poche – Polar/Thriller 2018. Alors, ce fut, cette fois, une lecture assez difficile pour moi mais j’ai finalement réussi à en comprendre la raison.

Un jogging qui tourne mal

En plein été, Caitlin part avec son frère, Sean, faire un jogging dans la région des Rocheuses, en pleine forêt. Future étudiante, Caitlin est aussi une athlète confirmée. Mais courir sur des petites routes, au milieu des sapins et loin de toute civilisation, n’est pas sans conséquence. On peut croiser de très mauvaises fréquentations. L’expérience va le confirmer une nouvelle fois. Un an après, la disparition de Caitlin n’occupe plus vraiment que l’esprit de ses proches. Alors qu’ils se battent chacun avec leurs propres démons, une question se pose pourtant : l’espoir est-il encore permis ? N’est-il pas plus destructeur que salvateur ?

Un polar du renoncement

Pour vous l’avouer, j’ai failli abandonner ce roman au bout de 100 pages et puis, n’aimant pas laisser une lecture en rade (ben, oui, en cela, je ne suis pas le précepte de Pennac), je me suis forcé et j’ai eu raison.

A la lecture du roman, j’ai fini par comprendre que ce livre nécessitait de la part du lecteur de multiples renoncements. Je m’explique : l’intrigue commence comme un polar classique. On pressent l’enlèvement d’une jeune fille, Caitlin, alors qu’elle pratique la course à pied en compagnie de son jeune frère, Sean alias Dudley. Il est important de constater que l’on n’assiste pas à cet enlèvement. Il y a une sorte de blanc concernant cet épisode. On sait juste que Sean est retrouvé blessé et en piteux état. Le tout occupe une vingtaine de pages et s’intitule « La vie d’avant ». Et c’est là que le premier renoncement doit s’opérer chez le lecteur (ce qui ne fut pas le cas chez moi).

A la suite de ce premier chapitre, on s’attend à une enquête menée tambour-battant. Et pourtant rien ne se passe.  La deuxième partie du roman s’intitule « La vie d’après » (environ 470 pages). Et effectivement, elle débute un an après l’épisode de l’enlèvement. Les recherches sont au point mort, pour ne pas dire abandonnées. Grant, le père, s’est installé dans le Colorado sous prétexte de poursuivre les recherches mais il semble totalement amorphe, incapable de réagir. Il observe les choses, les événements, les gens. Il constate mais n’agit plus. Son épouse, Angela, est, elle, rentrée dans la maison familiale où elle tente de continuer à vivre entre ses souvenirs, son mariage en lambeaux et l’espoir de retrouver Caitlin, seul moyen qu’elle a trouvé pour ne pas sombrer. Quant à Sean, sa culpabilité est telle qu’il perd pied et fuit constamment tout ce qui pourrait le rattacher au souvenir de Caitlin. En gros, pendant 350 pages, l’enquête est totalement passée sous silence. On est simplement les témoins de la lente descente aux Enfers des trois membres de la famille. La seule chose qui ne nous fait pas oublier Caitlin, ce sont les chapitres en italiques levant le mystère sur l’enlèvement de la jeune fille et sur la suite des événements pour elle.

Au moment où l’on finit par accepter ce choix du romancier, nouveau rebondissement. L’enquête repart à toute vitesse et ne s’arrête plus jusqu’à la fin. Le lecteur doit donc à nouveau s’adapter et accepter de repartir sur un mode de polar classique. C’est assez perturbant, je dois l’avouer, mais au final, quand on se laisse faire, cela finit par passer tout seul, d’autant que la dernière partie (environ 120 pages) est très bien fichue et repose principalement sur un personnage totalement inattendu dans un tel rôle. Comme quoi la rédemption existerait bien.

Je fais donc mon mea culpa. Alors que j’étais parti sur un a priori extrêmement négatif (intrigue abandonnée, passages qui traînent en longueur…), je finis finalement avec un avis assez positif sur ce roman qui perturbe le schéma classique du polar, tout en lui apportant une dimension humaine assez novatrice pour moi. La psychologie de la famille de Grant est pleine d’enseignement sur ce que l’on doit vivre lorsque l’on se retrouve confronté à un événement aussi dramatique.

Je vous recommande donc ce roman à condition, toutefois, que vous acceptiez de vous laisser porter par l’auteur sans résistance aucune. Sans cela, la déception sera bel et bien au rendez-vous.

Tim Johnston, La Descente, Eds Jean-Claude Lattès / Le Masque, 2017

(Le Livre de poche, 2018)

 

Après 15 lectures, voici mon classement pour le Prix des Lecteurs du Livre de poche – Polar/Thriller 2018 :

1- Là où elle repose de Kimberly Mc Creight

2- Ne prononcez jamais leurs noms de Jacques Saussay

3- La Mort nomade de Ian Manook

4- Derrière les portes de B.A. Paris

5- De Cauchemar et de feu de Nicolas Lebel

6- La Descente de Tim Johnston

7- Le Tricycle rouge de Vincent Hauuy

8- Canicule de Jane Harper

9- Tant que dure ta colère d’Asa Larsson

10- Sans même un adieu de Robert Goddard

11- Je te vois de Clare Mackintosh

12- Un Cri sous la glace de Camilla Grebe

13- Toxique de Niko Tackian

14- Pyromane de Wojciech Chmielarz

15- Les Larmes noires sur la terre de Sandrine Collette

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