Lecture 2018-46 : « L’Habitude des bêtes » de Lise Tremblay

Premier roman lu pour la rentrée littéraire et ce grâce aux Editions Delcourt et à Léa du Picabo River Book Club. Un court roman québécois vers lequel je n’aurais sans doute pas été de moi-même mais qui s’est révélé un très joli moment de lecture.

Le bilan d’une vie en pleine nature

Benoît Lévesque est comme beaucoup d’hommes : dentiste à Montréal, il s’est réfugié dans son travail déléguant à son épouse la gestion du quotidien et de sa fille Clara. De son côté, il a su profiter de tout le temps libre dont il a pu bénéficier afin de vivre la vie de « Jack London » au milieu des forêts du Saguenay. Puis les années sont passées pour faire le terrible constat : un divorce et une fille qu’il réalise ne pas connaître vraiment. La retraite arrivée, il part s’installer avec son chien, Dan, dans son chalet afin d’y vivre ce qui lui reste à vivre, comme bon lui souhaite. Mais au contact de la population locale, il se rend compte que le moment inévitable des bilans est arrivé. Il va alors réaliser que l’essentiel, c’est avant tout les autres si l’on veut le moment venu « mourir tranquille ».

Une lente et paisible acceptation d’une fin proche

D’intrigue, n’en cherchez pas dans ce roman car il n’y en a pas vraiment. C’est une atmosphère que nous offre à sentir ici Lise Tremblay.

Ce qui surprend, avant tout, dans ce roman, c’est la présence omniprésente de la mort inéluctable et qu’il s’agit d’accepter si l’on veut vivre paisiblement le temps, plus ou moins, long qu’il nous reste. C’est l’idée que défend le personnage de Mina lorsqu’elle décide d’arrêter d’aller chez son médecin car  « à un moment donné, c’est le temps. Pis c’est tout ». Benoît, au début du roman, n’a pas fait ce travail tant son incapacité à prendre en compte l’autre dans sa vie est grande. Son seul regret en pensant à la mort, c’est le sentiment « égoïste » de ne plus pouvoir un jour contempler cette nature magnifique qui l’entoure. C’est la mort de son chien qui va tout déclencher et lui faire réaliser qu’il est temps pour lui de s’assurer que ceux qui resteront vivront heureux, seule garantie pour pouvoir « mourir tranquille », selon Mina. J’ai trouvé cette réflexion sur la mort extrêmement sage : la mort est finalement la bienvenue tant qu’on s’assure de faire la paix avec ses propres démons. Et puis, après nous, il y a les autres et cela ce n’est pas mal non plus. C’est ce que me semble représenter ici Patrice, le garde-chasse, qui n’a pas peur de bouleverser les choses afin de retrouver une certaine justice dans un village rendu amorphe par le poids de certains. Ou, encore, le personnage de Carole, la fille de Benoît, qui semble « se trouver » enfin une place dans un monde où même son père n’avait jamais vraiment cherché à comprendre qui elle était vraiment.

L’homme est un loup pour l’homme

Le titre de ce roman m’a beaucoup interloqué et ce même après en avoir tourné la dernière page. Il est finalement assez énigmatique d’autant qu’il ne s’agit pas d’une traduction. Je proposerai alors plusieurs interprétations possibles (cela vaut ce que cela vaut) :

  • référence à cette vie quasi de vieux couple homme/bête que mènent Benoît et Dan (mais ne sont-ils finalement pas tous les deux des « bêtes » au regard de l’attitude presque d’ermite de Benoît ?) ;
  • référence récurrente faite à la présence des loups qui semblent constamment revenir dans le village mais qu’on ne fait que deviner tout au long du roman. Les loups ne sont jamais vraiment là où on le croit ;
  • référence à la « sauvagerie » du clan des chasseurs qui est finalement pire que ces loups « inoffensifs ». L’auteur dépeint ainsi, au cœur de ce petit village, la vision d’une société où les plus « forts » (les Boileau) cherchent à imposer leur point de vue aux plus « faibles » (représentés par Rémi, en premier lieu) et ce, en n’hésitant pas à recourir à la violence. Cet état de fait, tel une loi tacite et autoritaire, semble ainsi s’imposer à tous et ce, de génération en génération.

Il y a sans aucun doute d’autres lectures possible, aussi n’hésitez pas à me faire part de votre point de vue en commentaire.

Bilan : ce roman a été, pour moi, une très jolie surprise, une sorte de chanson douce qui, en évoquant la mort, se révèle être finalement un magnifique hymne à la vie.

Lise Tremblay, L’Habitude des bêtes, Editions Delcourt, 2018

 

Je profite de ce billet pour participer pour la première fois au Challenge 1% – Rentrée littéraire 2018 mis en place par le blog Délivrer des livres . Si j’atteins les 6 lectures pour cette année, je serai très très content de moi.

6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Mokamilla dit :

    Belle rentrée littéraire à toi !

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  2. Chez Bookinette (Bookinette) dit :

    Joli retour, j’aime bien le questionnement autour du titre, c’est toujours intéressant d’avoir plusieurs interprétations possibles et de les confronter à celles des autres…
    Il me tente bien ce livre, hop dans la wish-list !

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    1. Oui cela reste effectivement un vrai mystère pour certains livres.

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